Jusqu’à une période relativement récente, il était admis, non seulement dans la loi, mais même en tant que principe, que deux agissements n’étaient pas pénalement répréhensibles :
- En premier lieu, les images prises dans des lieux publics. En effet, l’article 226-1 du code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende le fait de capter, enregistrer, ou transmettre soit une conversation privée, soit l’image de quelqu’un dans un lieu privé, dans les deux cas en l’absence de consentement,
- Ensuite le voyeurisme « stricto sensu », c’est-à-dire celui où un justiciable cherche à voir ce à quoi il n’a pas accès, de part le caractère intime, ou l’absence de consentement de la personne objet de l’attention du voyeur.
Seulement ces deux principes se sont heurtés à deux phénomènes :
- En premier lieu, l’explosion du « revenge porn », consistant à diffuser des photos à caractères intime d’un ex-conjoint, ou plus souvent une ex-conjointe, notamment sur internet et surtout via les réseaux sociaux (qui sont vraiment à la fois ce qui se fait de mieux et de pire). Or une photo « intime » peut très bien avoir été captée dans un lieu public pour peu qu’il ait été désert au moment de la prise
- Ensuite, s’agissant du voyeurisme, les adeptes de celui-ci peuvent faire preuve d’une imagination pour le moins débridée dans ce seul but. Qu’il s’agisse d’un miroir au bout d’une chaussure orienté sous les jupes, ou encore d’un téléphone mobile glissé sous la porte d’un vestiaire, ce phénomène, peut s’avérer particulièrement déplaisant. Faute de répression pénale appropriée, il arrivait à des tribunaux de condamner les auteurs pour violences, ce qui était peu satisfaisant.
Une loi pénale numéro 2016-1321 du 7 octobre 2016 a entre autres créé un article 226-2-1 qui dispose que :
« Lorsque les délits prévus aux articles et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 60 000 € d'amende.
Est puni des mêmes peines le fait, en l'absence d'accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d'un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l'aide de l'un des actes prévus à l'article 226-1. »
La question qui peut se poser consiste dans le caractère vague de la formulation. Qu’est-ce qu’une image présentant un caractère sexuel ? Une chose est certaine : le champ d’application est plus étendu que celui de l’article 227-24 réprimant les photos à caractère pornographique.
Mais la question du caractère flou de la formulation devant être tranché par le Conseil constitutionnel. En effet, la loi doit avoir été rédigée en termes clairs et précis.
Ce fut chose faite par une décision du 30 septembre 2021 dont extrait ci-dessous :
« 5. En premier lieu, les termes « un caractère sexuel » et « absence d'accord de la personne pour la diffusion » sont suffisamment clairs et précis pour garantir contre le risque d'arbitraire. Il appartient aux juridictions compétentes d'apprécier le caractère sexuel des paroles ou images diffusées ainsi que l'absence de consentement de la personne à cette diffusion. »
Le caractère constitutionnel de l’article 226-2-1 a donc été entériné. Il appartient aux juridictions de décider au cas par cas.
Le tribunal correctionnel de Bordeaux statua en matière de naturisme.
En août 2019, un vacancier du CHM de Montalivet, est surpris prenant des photographies d’une mère et sa fille en train de se doucher sur la plage. La mère lui demande ce qu’il fait, il nie puis commence à effacer les photos de son téléphone portable puis tente de fuir, mais est rattrapé par un maître-nageur. Il est placé en garde à vue, n’en était pas à son coup d’essai au moins depuis le début de son séjour. De nombreux clichés de vacancières ont été trouvés stockés dans le téléphone, ainsi que celles de deux enfants, dont celui de la plaignante.
Le CHM, faisant preuve de réactivité, a immédiatement banni le couple du camping.
L’homme vient de comparaitre devant la 5ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux.
D’après l’article du Journal du Médoc, il était poursuivi pour deux chefs de prévention :
- Image d’une personne présentant un caractère sexuel
- Enregistrement ou fixation d’image à caractère pornographique d’un mineur
Il pourrait être rétorqué que la nudité sur une plage naturiste ne présente pas un caractère sexuel.
Nous répondrons que dans la mesure où la motivation d’une telle prise d’images relève dans la quasi-totalité, et même dans la totalité des cas, d’une motivation de voyeurisme, dans la mesure où ladite prise d’image s’effectue sans le consentement du ou des modèles, et même à leur insu, ladite motivation confère à cette image un caractère sexuel et tombe sous le coup de l’article 226-2-1.
Toute solution contraire serait de nature à faire courir un fort risque pour des personnes fréquentant les plages naturistes, enfants comme adultes, de ne plus avoir le moindre contrôle sur leur image. Et quand l’on connait, via les réseaux sociaux notamment, mais également des sites spécialisés, voire le « dark web », la vitesse de propagation de celles-ci, il y aurait lieu d’être extrêmement inquiets…
Le Tribunal a répondu « oui » s’agissant de la captation d’image à caractère sexuel, et « non » s’agissant de la captation d’image à caractère pornographique d’un mineur et a condamné le prévenu à une peine de trois mois d’emprisonnement assortie du sursis simple, ce qui signifie que s’il commet le même type de fait durant un délai de cinq ans à compter de la condamnation, la peine encourue sera doublée, et le sursis pourra être révoqué, autrement dit converti en peine ferme, ainsi qu’à une amende de 300 euros.
S’agissant du voyeurisme, il a été créé un article 226-3-1 du code pénal issu d’une loi numéro 2018-703 du 3 août 2018 qui dispose que :
« Le fait d'user de tout moyen afin d'apercevoir les parties intimes d'une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu'il est commis à l'insu ou sans le consentement de la personne, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.
Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende :
« 1° Lorsqu'ils sont commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
2° Lorsqu'ils sont commis sur un mineur ;
3° Lorsqu'ils sont commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
4° Lorsqu'ils sont commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
5° Lorsqu'ils sont commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
6° Lorsque des images ont été fixées, enregistrées ou transmises. »
Deux observations peuvent être formulées :
- Il n’est pas nécessaire de capter des images pour que l’infraction soit constituée. Il s’agit ici d’une circonstance aggravante
- Le champ d’application est restrictif : habillement ou lieu clos.
L’article 226-3-1 peut-il s’appliquer aux voyeurs insistants de lieux naturistes, ou même de lieux privés dont les occupants pratiquent la nudité ? Selon nous ce n’est pas évident.
Sinon on peut tenter d'invoquer le délit d’harcèlement moral...
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