- 25 sept.
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Avec l'évolution du droit et de la jurisprudence, il apparaît opportun de rappeler quelques notions fondamentales en matière de droit à l’image, et des règles juridiques s’appliquant en la matière.
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Le droit à l’image s’appréhende sous deux volets que nous aborderons successivement :
-Â Â Â Â Â Â Â Le volet civil (1)
-       Le volet pénal (2)
Puis nous tenterons une transposition de ces règles en milieu naturiste (3).
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1) Le droit à l’image en droit civil
Le texte fondamental en la matière est l’article 9 du code civil relatif au droit à la protection de la vie privée :
« Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. »
Or le droit au respect de la vie privée de quelqu’un implique la nécessité de son consentement pour toutes les étapes d’une image, de sa captation (prise de photo) jusqu’à sa divulgation ou publication, en passant même par sa détention.
L’article 9 instaure ainsi le pouvoir pour les juges de prendre toutes mesures pour faire cesser une atteinte à ce droit, y compris par une procédure d’urgence dite de référé.
Pour tout atteinte à ce droit à l’image, il est possible d’introduire une action en justice, voire en référé pour faire cesser cette atteinte.
En pratique cette atteinte se matérialise surtout par une divulgation ou publication de l’image d’une personne sans le consentement, voire même avec l’opposition de celui-ci.
Si cette personne n’a pas été avisée de la prise de cette image et/ou si celle-ci n’a pas été publiée, il faut disposer de preuve de la captation ou de la détention qui ne sont par définition pas du tout évidentes à obtenir surtout depuis l’avènement des « smartphones ».
Mais à côté de la possibilité de cette action civile, sous certaines conditions, le droit pénal peut également intervenir.
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2) Volet pénal
En effet l’article 226-1 du code pénal en ses quatre premiers alinéas dispose que :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.
3° En captant, enregistrant ou transmettant, par quelque moyen que ce soit, la localisation en temps réel ou en différé d'une personne sans le consentement de celle-ci.
… »
Ici c’est le deuxième alinéa qui nous concerne.
L’article 226-2 réprime de la même manière la « conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l’article 226-1.
Les peines encourues sont portées à deux ans d’emprisonnement et 60000 euros d’amende si les faits sont commis :
-       Par le (ou l’ancien) conjoint, concubin, ou partenaire de pacte civil de solidarité, de la victime,
-        Ou si la victime est une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, titulaire d'un mandat électif public ou candidate à un tel mandat ou d'un membre de sa famille
L’instauration de ces deux circonstances aggravantes est récente. Sont réprimés ainsi, le « revenge porn » et les pressions sur une personne « publique ».
Pour rentrer dans le champ d’application de cet article, la captation doit avoir été effectuée dans un lieu privé. Un lieu privé est défini, a contrario d’un lieu public, comme un lieu ou l’on ne peut accéder qu’avec l’accord de celui qui en est titulaire (logement par exemple).
Un lieu public est un lieu où l’on peut accéder librement.
A l’origine les captations dans les lieux publics étaient exclues du champ d’application. Mais en 2016, a été ajouté au code pénal l’article 226-2-1, qui punit de deux ans d’emprisonnement et de 60000 euros d’amende les « paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé ».
La question qui se pose ici est la définition d’une image à caractère sexuel et de son caractère trop vague susceptible d’entrainer une inconstitutionnalité de cet article.
Le Conseil constitutionnel a tranché par la négative à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, refusant de l’abroger. Cet article demeure donc en vigueur.
3) Le droit à l’image dans le naturisme
Si une captation d’image sans consentement survient en milieu naturiste, qu’est-il possible de faire ? Il convient de distinguer deux cas :
-       La captation est effectuée dans un lieu privé. Si ce lieu est une tente, un bungalow ou chalet voire encore la parcelle constituant l’emplacement, ce lieu est par définition privé. L’article 226-1 s’applique, quelle que soit l’image. Si l’image est prise dans un centre naturiste en-dehors du lieu du lieu d’établissement de la personne prise en photo, cela dépendra des conditions d’accès au lieu. Cela sera du cas par cas.
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-       La captation est effectuée dans un lieu public, par exemple sur une plage. Là il faudra établir que l’image présente un caractère sexuel pour voir s’appliquer l’article 226-2-1. Ici la question est celle-ci : une image d’une personne dévêtue en milieu naturiste présente-t’elle un caractère sexuel ?
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Il pourrait être rétorqué que la nudité sur une plage naturiste ne présente pas un caractère sexuel.
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Nous répondrons que dans la mesure où la motivation d’une telle prise d’images relève dans la quasi-totalité, et même dans la totalité des cas, d’une motivation de voyeurisme, dans la mesure où ladite prise d’image s’effectue sans le consentement du ou des modèles, et même à leur insu, ladite motivation confère à cette image un caractère sexuel et tombe sous le coup de l’article 226-2-1.
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Toute solution contraire serait de nature à faire courir un fort risque pour des personnes fréquentant les plages naturistes, enfants comme adultes, de ne plus avoir le moindre contrôle sur leur image. Et quand l’on connait, via les réseaux sociaux notamment, mais également des sites spécialisés, voire le « dark web », la vitesse de propagation de celles-ci, il y aurait lieu d’être extrêmement inquiets…
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Mais le débat reste ouvert.
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Quelles conclusions tirer de ce qui précède ?
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En premier lieu, si on veut prendre une photo d’une personne en milieu naturiste, TOUJOURS obtenir son consentement.
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L’idéal est d’avoir une trace de ce consentement, peut-être pas par écrit sur papier, mais on peut toujours l’envoyer par messagerie à cette personne qui pourra répondre.
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Une réponse d’approbation, à notre sens même par émoticône pouce levé par exemple, semble suffisant.
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Et de même TOUJOURS OBTENIR un consentement a fortiori pour toute diffusion ou publication.