Les faits apparaissent tellement anodins que l’ampleur des réactions suscitées, voir leur caractère d’autant plus ridicule et pathétique qu’elle émane de deux élus d’un camp supposé « progressiste », suscite l’incrédulité, voire un immense éclat de rire.
En quoi consistent lesdits faits : deux membres de l’association pour la promotion du naturisme en liberté (APNEL) dont l’une des activités principales est la randonnée naturiste dite « randonue », s’adonnent à cette activité dans les montagnes de la Réunion.
Jusque-là, rien d’anormal. Les randonneurs croisés ne trouvent rien à redire, et aucune plainte ni même main courante ne sera déposée dans les gendarmeries ou commissariats de police.
Un article parait le 1er décembre dans la presse locale, où il est précisé que l’APNEL espérait développer l’activité de randonue sur place.
C’est cet article (et non les randonnées naturistes elles-mêmes) qui vont susciter notamment deux réactions, dont il est permis de se demander si leurs auteurs étaient en pleine possession de leurs moyens lorsqu’ils les ont eues.
Il s’agit de deux députés :
- Tout d’abord Jean-Hugues Ratenon, (LFI-NUPES) qui le jour même, rédige un communiqué qui laisse pantois tellement les termes utilisés apparaissent hors-sol et même lunaires : « C’est inadmissible, scandaleux, profondément choquant.
…
Nous les Réunionnais n’avons pas cette culture qui s’apparente à de la débauche. »
Et de conclure ce chef-d’œuvre par un formule à faire tomber de l’armoire :
« Qu’ils aillent exposer leur grappe de raisin avariée ailleurs. »
On appréciera le caractère profondément spirituel de la métaphore, tout en se disant que celle-ci n’est pas forcément heureuse dans une ile où l’on produit du vin…
- Toujours le 1er décembre 2023, Frédéric Maillot, député du même camp « progressiste » rédige une lettre ouverte au préfet, certes dans un style moins imagé, mais tout aussi véhémente
Il y cite notamment deux jurisprudences légèrement défraichies( de 1952 ( !!) et 1953 ( !!!!!????!!?!) ainsi que l’article 222-32 légèrement édulcoré :
« L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. (…) Lorsque les faits sont commis au préjudice d’un mineur de quinze ans, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 30 000 euros d’amende. »
Nous notons la présence de points de suspension en lieu et place du deuxième alinéa de cet article. Or ledit deuxième alinéa dispose que :
« Même en l'absence d'exposition d'une partie dénudée du corps, l'exhibition sexuelle est constituée si est imposée à la vue d'autrui, dans un lieu accessible aux regards du public, la commission explicite d'un acte sexuel, réel ou simulé. ».
Or ce deuxième alinéa est à notre sens important.
Il semble clair : l’exhibition sexuelle est constituée même si l’auteur est habillé et n’exhibe pas, notamment mais pas seulement, ses parties sexuelles, et s’il y a la commission explicite d’un acte sexuel réel ou simulé.
Plusieurs termes sont importants :
La commission explicite : l’exhibition, habillée ou non, devra être explicite, c’est-à-dire que l’acte ne doit pas être simplement suggéré. Qu’en est-il de gestes « suggestifs » ? C’est peut-être l’un des points qui devra être tranchés en jurisprudence. Ce n’est pas gravissime, car une telle gestuelle pourrait tomber sous le champ d’application de l’outrage sexiste.
Acte sexuel : les deux mots sont importants. Acte : il s’agit d’une action à caractère sexuel. Qu’en est-il des attitudes sexuelles mais passives, comme par exemple des poses sexuelles, mais immobiles sur une plage naturiste ? Encore une question susceptible d’arriver devant les tribunaux…
Réel ou simulé : c’est un point important : peu importe que l’on fasse semblant lorsque l’on commet un acte sexuel dans un lieu accessible au regard du public. L’infraction est constituée. Cela s’applique également, bien entendu, en milieu naturiste!!
Qu’en est-il de la nudité non sexuelle : à notre sens il est clair qu’elle sort du champ d’application du deuxième alinéa.
Sort-elle du champ d’application de l’infraction en général ? A notre sens oui, en raison du rôle du deuxième alinéa par rapport au premier (seul dans la première version de l’article). Ce deuxième alinéa précise-t’il (notamment par les termes « commission explicite d’un acte sexuel réel ou simulé ») la notion exposée dans le premier (« exhibition sexuelle ») ? A notre sens oui. Sinon l’article 222-32 viserait tout à la fois la nudité non sexuelle et la commission explicite d’un acte sexuel, donc deux comportements qui n’ont rien à voir entre eux, ce qui poserait le problème de la conformité de cet article au principe de légalité qui dispose que nul ne peut être puni que par une loi préexistante rédigée en termes clairs et précis.
Il pourra être rétorqué par les tenants du caractère répréhensible de la nudité, que le deuxième alinéa ne vient pas préciser le premier, mais établir un cas particulier.
A notre sens cette analyse ne tient pas la route, en raison notamment de la non-conformité au principe de légalité que cela entraînerait.
De plus il est bien précisé que l’infraction est constituée si les conditions du deuxième alinéa sont remplies. Donc qu’elle ne l’est pas dans le cas contraire.
Vu les conclusions qui peuvent être tirées de l’analyse du deuxième alinéa de l’article 222-32, on comprend mieux que Frédéric Maillot, dans sa lettre ouvert au préfet, ait purement et simplement choisi de l’escamoter.
Indépendamment de l’approbation ou non du fait d’aller faire de la randonnée naturiste là-bas, force est de constater que :
- Le communiqué de J. H. Ratenon, mêlant indignation de religieux intégriste, avec une métaphore graveleuse, voire vulgaire…
- Le choix de F. Maillot de remplacer un texte légal qui pourrait contrecarrer son argumentation, par des points de suspension…
Apparaissent de nature à disqualifier ceux-ci dans leur croisade...
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