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L'impossibilité de pratique du naturisme reconnue comme préjudice d'agrément

Les faits, tels qu’ils ressortent d’un arrêt de la chambre civile de la cour d’appel de Limoges en date du 5 mai 2022 sont ceux-ci :

Le demandeur avait subi, suite à une éventration sus-ombilicale, une intervention chirurgicale consistant en la pose d’une plaque prothétique de renfort.

Cinq jours après son retour à domicile, l’état de sa cicatrice empire.

Il effectue quatre séjours à la clinique où il a été opéré, où il lui fut posé un système aspiratif, dit VAC dont le fonctionnement fut, semble-t’il défaillant.

Il n’a pas subi durant cette période, de contrôle bactériologique, ce qui fut dommage, dans la mesure où, quand ledit contrôle fut enfin effectué près de deux mois après, celui-ci mit en évidence la présence de nombreuses colonies de germes dont des staphylocoques dorés.

Il consulta un autre spécialiste au CHU, et a bénéficié d'un traitement antibiothérapeutique, et s'est vu retirer la plaque prothétique.

On constate à la lecture de l’arrêt que l’épreuve traversée par le patient fut longue pénible et douloureuse.

Condamnés au paiement de diverses sommes par les premiers juges, les protagonistes, savoir la clinique, le chirurgien et leurs assureurs font appel.

L’une des principales questions de l’arrêt était de déterminer si l’infection était ou non d’origine nosocomiale, ce qui ne nous concerne pas ici.

Parmi les préjudices qu’il convient de réparer, selon la nomenclature « Dintilhac » qui en fixe tous les postes, il y a le préjudice d’agrément. Quel est-il ?

La définition la plus courante est celle-ci :

Le préjudice d'agrément sert à caractériser l’impossibilité pour la personne, provisoire ou définitive, de continuer à pratiquer des activités de loisirs qui étaient régulières avant la survenance du dommage.

Cela concerne les activités sportives, mais également les agréments « de la vie ».

Le naturisme en fait-il partie ? Incontestablement oui, de par la « décompression » et la convivialité ressenties.

Une question peut toutefois se poser. En quoi consiste une impossibilité d’être en état de nudité.

Prenons la motivation de l’arrêt s’agissant de ce préjudice :

« …s'agissant du préjudice d'agrément, il y a lieu

* de retenir la réalité du préjudice d'agrément invoqué par Monsieur [M], qui justifie au moyen des témoignages qu'il produit qu'il s'adonnait avant l'accident médical dont il a été victime, à diverses activités de loisirs telles que la baignade, la pêche et le canoë

* au vu des conclusions médico- légales des experts judiciaires ayant retenu un préjudice d'agrément pour la pratique du canoë-kayak et de la pêche( outre celle du bateau et du naturisme) de chiffrer ce poste de préjudice à la somme de 6000 ¤, sachant qu'après application du pourcentage de 70 % retenu au titre de la perte de chance subie par Monsieur [M] d'éviter les complications médicales qu'il a rencontrées, le Docteur [V] sera condamné à lui régler la somme de 4200 ¤ en indemnisation de ce poste de préjudice . »

La Cour d’appel de Limoges répond donc implicitement par l’affirmative sur la question du préjudice d’agrément pour la pratique du naturisme, même si l’indemnisation n’est pas très élevée.

En quoi la pratique du naturisme est-elle impossible. La réponse est donnée dans la motivation traitant du préjudice esthétique :

« …s'agissant du préjudice esthétique définitif que les experts judiciaires ont évalué à 3 sur 7, en ce qu'il était dû à la très volumineuse éventration et à la majoration des cicatrices, il convient en considération du fait que Monsieur [M] va devoir porter une tenue vestimentaire beaucoup plus couvrante même en période estivale… »

La nudité complète semble impossible pour l’infortuné patient.

Il s’agit de la deuxième jurisprudence « repérée » en la matière.

La première est un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 14 mars 2008.

Le 8 décembre 1990, un jeune homme de 20 ressent une violente douleur au bas du ventre. Il s’agit d’une torsion d’un testicule. Le médecin de garde le dirige vers une clinique. Il est examiné vers 23 heures par un chirurgien qui programme une intervention à 9 heures, alors qu’il s’agit d’une urgence chirurgicale. Lors de l’intervention, il est procédé à la fixation du testicule ; le 19 avril 1991, le patient doit subir une nouvelle intervention consistant en une ablation du testicule avec mise en place d'une prothèse testiculaire et la fixation de l'autre testicule ; le 12 juillet 1999, il est procédé au changement de la prothèse en raison de l'augmentation de volume du testicule gauche ; reprochant au chirurgien un défaut d'information, un retard opératoire à l'origine de la perte de son testicule et une faute technique lors du geste opératoire, le patient assigne son assureur en responsabilité.

Celui-ci est condamné par la Cour d’appel de Paris à payer diverses sommes, comme c’est classiquement le cas en matière de responsabilité médicale.

Or il se trouve que les conséquences psychologiques se sont avérées, de manière surprenante, dévastatrices pour le patient dans la mesure où la perte d’un testicule n’affecte en aucune manière les fonctions reproductrices ou même sexuelles. De même, en raison de la pose d’une prothèse, l’apparence ne change pas.

Il était demandé notamment la réparation d’un préjudice esthétique temporaire. Il était allégué qu’en raison de ce préjudice, le jeune homme, adepte du naturisme et du football, n’avait pu pratiquer ces deux activités.

Qu’est-ce que le préjudice esthétique ? Il se définit classiquement comme un préjudice correspond à l’altération de l’apparence physique de la victime entre l’accident et la consolidation. Cette atteinte est temporaire ou définitive, mais elle peut être extrêmement traumatisante et préjudiciable. Elle est fixée par un expert sur une échelle de 1 à 7.

Il était demandé la somme de 8.000 euros pour l’indemnisation de ce préjudice. La Cour d’appel de Paris a fixé le montant de l’indemnisation à la somme de € 1.600 en raison notamment de l’absence de justificatifs de la pratique du naturisme et du football.

La Cour d’appel a donc reconnu l’existence d’un préjudice esthétique empêchant la pratique du naturisme, préjudice qui doit être indemnisé.

Ce peut sembler curieux aux naturistes, dont une grande majorité ne tient aucun compte d’éventuels défauts esthétiques, et où les handicapés ou mutilés ne sont jamais à notre connaissance, jugés sur leur apparence.

L’impossibilité, physique ou psychologique de pratiquer le naturisme demeure donc indemnisable…

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