Nous tous, à tout le moins tous ceux qui fréquentent l’espace numérique et particulièrement les « réseaux sociaux » le savent. Il s’agit à la fois du meilleur et du pire des espaces.
D’aucuns pourront apprécier l’espace de liberté, d’expression notamment, d’autres très nombreux (dont fait partie l’auteur de ces lignes) déploreront que ledit espace constitue l’un des terrains de jeux favoris des haineux en tout genre, qui trouveront de facto à leur disposition toute une palette de moyens pour laisser libre cours à leurs amertume, rancœur et autres sentiments modérément positifs et constructifs
.
Ce n’est pas là le moindre des paradoxes. Un Docteur Jekyll agréable, timide et réservé peut se muer en un Mister Hyde débridé dès qu’il se trouvera derrière un écran.
Ceci s’ajoutant à la pornographie accessible aux mineurs, à la pédopornographie, voire au proxénétisme et autres activités pénalement répréhensibles, fausses nouvelles, manipulations…
Cette situation ne pouvait pas demeurer sans réponse même imparfaite.
Le conseil de l’Union européenne et le parlement européen ont donc émis un règlement en date du 19 octobre 2022 dénommé « Digital service act ».
Un règlement de l’Union européenne est un texte qui est d’application immédiate dans toutes les pays qui la composent.
Ce texte se fixe pour objectifs notamment :
Une meilleure protection des internautes européens et de leurs droits fondamentaux (liberté d'expression, protection des consommateurs...) ;
Une aide pour le développement des petites entreprises de l'UE
Un renforcement du contrôle démocratique et de la surveillance des très grandes plateformes et l’atténuation de leurs risques systémiques (manipulation de l'information notamment...).
Une première étape pour ce texte était de définir les acteurs concernés. Il s’agit notamment :
des fournisseurs d'accès à internet (FAI) ;
des services d'informatique en nuage (cloud) ;
des plateformes en ligne comme les places de marché (market places), les boutiques d'applications, les réseaux sociaux, les plateformes de partage de contenus, les plateformes de voyage et d'hébergement ;
des très grandes plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche, utilisés par plus de 45 millions d'Européens par mois, désignés par la Commission européenne.
Une première liste de dix neuf « grands acteurs » en ligne a été publié sur le site de la commission européenne le 25 avril 2023. Nous y trouvons :
AliExpress, Amazon Store, Apple AppStore, Bing, Booking, Facebook, Google Maps, Google Play, Google Search, Google Shopping, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snapchat, TikTok, Wikipedia, X (anciennement Twitter), YouTube et Zalando.
Ont été ajoutés à cette liste deux sites chinois de plateforme en ligne ainsi que des sites X.
En premier lieu, tous ces acteurs ont l’obligation de désigner un point de contact unique ou, s'ils sont établis hors UE, un représentant légal et coopérer avec les autorités nationales en cas d'injonction.
Les plateformes en ligne doivent proposer aux internautes un outil leur permettant de signaler facilement les contenus illicites. Une fois le signalement effectué, elles doivent rapidement retirer ou bloquer l'accès au contenu illégal.
Dans ce cadre, elles coopèrent avec des "signaleurs de confiance". Ce statut est attribué dans chaque pays à des entités ou organisations en raison de leur expertise et de leurs compétences. Leurs notifications sont traitées en priorité.
Les market places (tels Airbnb, Amazon, Shein, Temu) doivent mieux tracer les vendeurs qui proposent des produits ou services sur leur plateforme (recueil d'informations précises sur le professionnel avant de l'autoriser à vendre, vérification de la fiabilité de celles-ci) et mieux en informer les consommateurs.
Les plateformes doivent rendre plus transparentes leurs décisions en matière de modération des contenus. Elles doivent prévoir un système interne de traitement des réclamations permettant aux utilisateurs dont le compte a été suspendu ou résilié (par exemple sur un réseau social) de contester cette décision. Pour régler le litige, les utilisateurs peuvent également se tourner vers des organismes indépendants et certifiés dans les pays européens ou saisir leurs juges nationaux.
Sont également instituées des règles de transparences s’agissant des publicités ciblées et des algorithmes.
Dans tous les pays de l’union européenne, un coordinateur des services numériques doit être désigné. En France et au terme de la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, c’est l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) qui assume ce rôle.
En cas de non-respect du DSA, il est instauré un système de sanctions graduées. La Commission européenne peut, s’agissant des très grandes plateformes et des très grands moteurs de recherche, infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires mondial.
En cas de violations graves et répétées au règlement, les plateformes peuvent se voir interdire leurs activités sur le marché européen.
Le DSA est entré en vigueur le 17 février 2024.
Mais le naturisme est-il concerné par ce texte ?
Selon certaines plateformes, notamment facebook, il semble que oui. En effet, la Fédération française de naturisme (FFN) a vu du jour au lendemain sa page officielle sur cette plateforme, effacée. De même Bruno Saurez voit son compte en voie de suppression. Dans la mesure où il n’y avait aucun contenu illicite sur la page de l’une et le « mur » de l’autre, la politique de censure du réseau social concerne non seulement les images, ce que l’on savait déjà, toute nudité y étant proscrite, mais également les idées, les textes, etc…
Il semble que facebook, applique une interprétation élargie de la notion de contenu illicite, faisant litière de ce qu’en dit le droit de chaque pays.
Il y a le droit « facebookien » et les autres…
Qu’est-il possible de faire dans une telle situation ?
Ainsi que précisé plus haut, les plateformes doivent prévoir un système interne de traitement des réclamations permettant aux utilisateurs dont le compte a été suspendu ou résilié (par exemple sur un réseau social) de contester cette décision. Pour régler le litige, les utilisateurs peuvent également se tourner vers des organismes indépendants et certifiés dans les pays européens ou saisir leurs juges nationaux.
Il convient donc de contester la décision au sein même de la plateforme en question, ce qui, en l’état actuel n’a guère de chances d’aboutir, et ensuite, en cas d’échec, l’on peut, l’un après l’autre et simultanément :
- saisir un organisme certifié, tel l’ARCOM qui a le statut en France de coordinateur des services numériques
- contester cette décision devant les juges nationaux. C’est une facilité importante, car les plateformes dans les conditions générales, inséraient une clause désignant les juridictions de leur siège (pour Facebook dans un comté californien…), rendant de fait toute instance judiciaire impossible d’un point de vue pécuniaire notamment. Ici les tribunaux français sont compétents !!!
Comme nous le voyons, l’institution d’un texte comme le DSA était nécessaire. Mais il est en cours de « rodage ». Il convient d’attendre la jurisprudence afin d’en déterminer la réelle portée…
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