Il s'agit d'un texte tiré du numéro 1 de 1954 du bulletin de l'ADIL, l'Association des amis de l'Ile du Levant, commentant un article de "France Soir". Une émule de la "Brave Margot" de Brassens a suscité la joie des époux et la fureur des épouses de son quartier. Le commissaire, comme chez Courteline a du être "bon enfant" et ne pas donner suite. Même si la société a évolué, en ce sens que la nudité masculine semble plus mal vue que la nudité féminine, la réflexion de l'auteur de l'article sur les motivations réelles des plaignants et le détournement de la loi apparaissent plus que jamais d'actualité.

 

"L'histoire de Yolande la jolie naturiste

 

Pendant la « canicule » de la Pentecôte de 1953, qui fut comme on sait exceptionnellement chaude, les charmes imprudemment dévoilés d'une jeune femme de 21 ans, ont, si l’on en croit « France-Soir », provoqué des remous d'opinion dans un quartier du 20e arrondissement de Paris.

« Depuis quelques jours, depuis très exactement la hausse de la température, dit notre confrère, la belle Yolande B. aimait s'étendre sur son lit entièrement dévêtue dans son petit logement passage Julien-Lacroix. Pour mieux respirer, elle laissait la fenêtre grande ouverte. Le spectacle ne déplaisait sans doute pas aux voisins puisque, aux heures de la sieste de la jeune femme, ils se penchaient aux fenêtres. Mais ce manège n'était pas du goût de leurs épouses, ignorant sans doute que « rien n'est plus chaste que le nu », et bientôt de fréquentes scènes de ménage éclatèrent dans le voisinage de la belle Yolande. Puis ces dames s'en prirent à la provocatrice, et échangèrent avec elle des propos aigre-doux. Elle continua cependant ses séances de sieste.

Les voisines firent part de leurs doléances à l'ami de Yolande... qui leur répondit qu’il trouvait cela « très naturel ».

- « Ma fiancée, leur dit-il, est naturiste, et je ne vois aucun inconvénient à ce qu'elle se promène toute nue chez elle."

On avisa le commissaire de police, etc ...

Nous ignorons comment s'est terminée cette petite histoire, et si le commissaire s'est contenté du rideau que Yolande s'était promis d'acquérir pour masquer sa fenêtre.

Mais l'aventure de Yolande nous suggère les réflexions suivantes :

Les maris ne se sont pas plaints, bien au contraire.

Ce sont leurs femmes qui ont alerté le commissaire de police, non que leur pudeur ait été réellement outragée ; outre qu'elles étaient du même sexe, elles n’avaient sous les yeux qu'un spectacle d'une esthétique non douteuse. Elles ont employé les grands moyens, parce qu'elles ont craint que leurs maris ne subissent dans leurs affections conjugales, une sorte de «déviation» dû à la connaissance d'attraits plus captivants. Comme le délit de déviation conjugale n'est pas dans le code, elles ont taté de l'article 330 qu'on met à toutes les sauces, et qui trouve encore des oreilles compatissantes. N'assistons-nous pas, un tantinet, à une « déviation » de la loi ?"