En se tenant au courant de la jurisprudence concernant un corps exposé ou non caché, totalement ou partiellement, force est de constater que l’on y comprend plus rien. Même en tant que praticien du droit.

Depuis quelque temps, les bonnes nouvelles, même si elles n’étaient pas très nombreuses, étaient de nature à rendre optimiste, notamment depuis le jugement du tribunal de grande instance de Périgueux relaxant un randonneur naturiste.

Depuis lors :

  • Le tribunal correctionnel de Montbéliard avait relaxé un prévenu nu chez lui, mais semble-t’il, visible de l’extérieur
  • Le tribunal correctionnel de Coutances avait fait de même s’agissant d’un naturiste ramassant des huitres sur une plage normande

Mais voici que, coup sur coup deux nouvelles décisions de justice viennent entraver une évolution favorable. Ce n’est pas une catastrophe, mais c’est significatif du fait qu’il ne faut jamais « baisser la garde ».

L’une émane du tribunal correctionnel de Lorient et concerne des faits survenus le 23 mai dernier. L’autre concerne les femen et sera abordée dans le prochain numéro.

Un plagiste, en début d’après-midi, bronzait sur une plage de Carnac sans vêtement. Il est dit que des familles avaient été choquées.

Il est attrait devant le tribunal correctionnel pour exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible au regard du public, au titre de l’article 222-32.

Il ressort des réquisitions de la vice-procureure de la république que :

  • Il était sur une plage grand public qui ne faisait pas l’objet d’une autorisation ou d’une tolérance de pratique du naturisme

 

  • Il comparaissait pour la troisième fois pour des faits de même nature : ce qui signifie qu’il était en état de « récidive légale ». Dans ce cas, la peine encourue, autrement dit la peine maximale que la juridiction peut prononcer est doublée, donc ici elle était portée à deux ans de prison et une amende de trente mille euros.

Pour conclure elle demandait que le tribunal lui « adresse un dernier avertissement solennel » de façon à ce qu’il ait « une réelle prise de conscience ». Elle requérait une peine d’un an de prison ferme.

Déjà, l’on ne peut que sursauter devant le caractère totalement « stratosphérique », voire même « cosmique » de la peine requise.

Le prévenu a reconnu les faits. Plus surprenant, il les mettait sur le compte d’une pulsion. « Je venais de perdre mon travail ; j’étais mal dans ma tête et dans mon corps », argue-t’il, précisant n’être resté qu’une dizaine de minutes sur la plage et avoir entrepris, depuis ses précédentes condamnations, un suivi psychiatrique.

 

Il est non moins surprenant que le tribunal ait suivi les réquisitions du parquet.

Deux observations sont à formuler s’agissant de la ligne de défense du prévenu :

  • Il reconnait les faits, mais de manière maladroite. Il explique avoir obéi à une « pulsion ». Or il s’agit de la rhétorique et du vocabulaire employé pour reconnaitre une agression sexuelle, voire un viol. Employer un tel vocable revient à envoyer à la juridiction un message selon lequel sa motivation était de nature sexuelle, ce qui tendrait (le conditionnel est employé sciemment) à constituer l’élément intentionnel de l’infraction d’exhibition sexuelle

 

  • Il renforce ledit message en expliquant consulter un psychiatre, reconnaissant en conséquence le caractère « déviant » et même pathologique de son comportement.

La condamnation, dans ces conditions, était presque acquise.

 

Toutefois, il apparaît que le tribunal, ici statuant plus que probablement à juge unique, possibilité prévue par le code de procédure pénale pour certaines infractions dont celle prévue à l’article 222-32, ne s’est pas livré à une analyse juridique de la situation par rapport audit article.

En premier lieu, il apparaît que le prévenu était « sans maillot », mais n’avait en rien une attitude de nature sexuelle, ni même « équivoque ». Dans ces conditions, peu importe ce qu’il avait dans sa tête, pulsion ou autre type de motivation, dans la mesure où cela n’avait aucun effet sur son attitude. La pensée n’est pas un élément constitutif de l’infraction.

Le tribunal, dans ces conditions, doit motiver son jugement, afin d’établir en quoi le fait d’être nu dans une plage non autorisée au naturisme, tombe dans le champ d’application de la loi pénale, et plus particulièrement de cet article.

Ensuite il convient de réaffirmer avec force que la peine requise par le ministère public et prononcée par le tribunal, en admettant au préalable que l’infraction est constituée, ce qui est loin d’être acquis, apparaît tellement énorme qu’elle prête à sourire et même à rire.

Même en admettant qu’il s’agit de la troisième comparution pour des faits de même nature, et en supposant, mais ce n’est pas précisé dans les articles de presse, qu’il a été condamné à du sursis, puis peut-être à du sursis avec mise à l’épreuve, on assiste à un parcours analogue à un auteur récidiviste de violence sur conjoint. Qui peut dire que les deux agissements sont de gravité équivalente ?

Nous ne savons pas si le condamné a interjeté appel. Si ce n’est pas le cas, va-t’il réellement être incarcéré.

Cela apparaît peu probable. S’agissant des condamnations inférieures ou égale à deux ans ferme, il faut, pour que le condamné reparte entre deux gendarmes, que le tribunal ait délivré un mandat de dépôt à l’audience. Ce n’est visiblement pas le cas ici.

Il est accessible à un aménagement de peine qui peut consister en :

  • Un placement sous surveillance électronique. Il est en quelque sorte, assigné, en général à son domicile, sauf pour sortir travailler. Il porte un bracelet à la cheville, relié à un dispositif mis en place chez lui et tout non-respect des heures prévues entraine le déclenchement d’une alarme à l’administration pénitentiaire et peut entraîner la révocation de l’aménagement de peine et l’incarcération,

 

  • Un placement en semi-liberté : le condamné travaille à l’extérieur et rejoint un établissement pénitentiaire en-dehors des heures de travail,

 

  • Un placement à l’extérieur : plus rare et non applicable ici, dans la mesure où le condamné travaille.

 

Donc soit il portera un bracelet, soit il dormira en prison et continuera à travailler.

C’est le juge d’application des peines qui décidera. Pour des faits dont on n’est pas certain qu’ils tombent sous le coup de la loi pénale.

Tout ça pour ça…

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