Séparation parentale et naturisme

(Refonte et actualisation de l’article pour Naturisme Magazine N° 14)

 

Une famille pratique le naturisme. Les parents se séparent et ne trouvent (ou ne veulent pas trouver !!) un accord concernant les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Et voilà que comme par magie, le naturisme accepté auparavant, se mue sur instrumentalisation de l’un des parents, en une pratique perverse et dangereuse pour la moralité des enfants !!

Comme les autres types de conflits entre parents, celui concernant la pratique du naturisme pour les enfants mineurs du couple sera, s’il persiste et s’il n’y a aucun accord possible, tranché par le Juge aux affaires familiales.

 

I) Textes légaux concernés

Il est à noter que la loi ne fait aucune différence selon le fait que le litige soit tranché dans le cadre d’une procédure de divorce ou non.

Or, concernant le sujet abordé ici, deux articles du code civil semblent plus particulièrement concernés :

Tout d’abord l’article 373-2-10 qui fixe le principe du consentement des parties et d’une éventuelle médiation (voir encadré)

Mais l’article clé du dispositif est l’article 373-2-11 (voir encadré)

Reprenons les alinéas un à un en tentant de les appliquer au contexte qui est le nôtre :

1º La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure : ce critère peut trouver application en cas de pratique antérieure du naturisme en famille

2º Les sentiments exprimés par l'enfant mineur dans les conditions prévues à l'article 388-1 : ledit article 388-1 du code de procédure civile fixe le droit par l’enfant d’être entendu par le juge dans toute procédure le concernant. Cette audition n’engage pas le juge, mais en pratique un enfant revêche au naturisme et qui l’exprime aura peu de chances de s’y voir obligé, ce qui peut se comprendre

3º L'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre : peu d’implications particulières pour ce qui nous concerne.

4º Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l'âge de l'enfant : cet alinéa est plus important : en effet, le juge peut ordonner des expertises notamment psychologiques, où l’expert peut se voir demander d’évaluer le caractère positif ou négatif du naturisme. Or actuellement, nombre de psychologues/psychiatres/pédiatres, à la suite de quelques-uns d’entre eux fortement médiatisés, sont formellement contre, encore que, suite à un procès qui a pris des allures de cataclysme, le caractère infaillible de la « parole d’expert » s’est trouvé fortement relativisé.

5º Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l'article 373-2-12 : les enquêtes sociales portent sur les conditions matérielles et morales dans lesquelles sont élevés les enfants.

6° Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre : c’est logique mais ce n’est pas propre au naturisme.

 

II) Applications jurisprudentielles

Qu’en est-il de la jurisprudence ? Les décisions ayant fait l’objet d’une publication, la plupart du temps des décisions d’appel ou de cassation sont relativement peu nombreuses et pour la plupart d’entre elles, pas très récentes. Nous citerons donc « en vrac » et par ordre chronologique :

  • Cour d’appel de Douai 2 juillet 1982 où il est dit que « l'attitude sexuellement incorrecte du père vis-à-vis des enfants n'est pas prouvée, alors qu'il est cependant certain que celui-ci a choqué ses enfants en les emmenant passer un séjour d'une semaine dans un camp de naturistes. Ce seul fait ne suffit pas pour justifier la suppression du droit de visite du père qui s'est engagé formellement à ne plus emmener ses enfants dans un camp de naturistes ». Certains pourraient reprocher à cette décision de prendre en compte l’engagement formel du père de ne plus emmener ses enfants en milieu naturiste, mais il est à noter que c’est le fait que les enfants aient été choqués et non le naturisme lui-même qui est à l’origine de cette mention. Il s’agit d’une décision donc à notre sens favorable.
  • Dans la même « veine », Cour d’Appel de Reims 30 juin 1983 pour qui la pratique du naturisme est sans rapport avec la norme sexuelle et constitue un élément inopérant
  • Cour d’appel de Paris 4 mai 1988 : qui décide entre autres que le père ne pourra emmener l’enfant dans un lieu naturiste sans l’accord express de la mère.
  • Cour d’appel de Paris : 24 février 1999, où il est rappelé que concernant le naturisme pratiqué par le mari, il n’est pas rapporté de preuve de troubles sexuels.
  • Cour d’appel de Nîmes 5 avril 2000 : octroi d’un droit de visite sous la surveillance d’un tiers, pour l’ensemble de raisons suivantes : mœurs du père, bisexuel, qui a contracté le SIDA comme sa jeune épouse, adepte du naturisme, détenant des parts dans un établissement à caractère pédophile à l'étranger, présence d'homosexuels au domicile du père, attouchements de la part de tiers sur les enfants. C’est une jurisprudence qui mélange orientation sexuelle et danger pour les enfants. Celui-ci existe dans cette espèce mais n’est pas plus le fait de l’homosexualité que du naturisme.

Quel est le bilan de cette jurisprudence ? Il peut apparaître comme paradoxal.

D’un côté il est confirmé que le naturisme n’est pas considéré par lui-même comme une pratique à caractère sexuel ou immoral.

En revanche si d’autres éléments, tels des pratiques douteuses comme certaines mentionnées ci-dessus, sont présent, la pratique du naturisme en plus n’arrangera rien bien au contraire.

Il ressort de ce qui précède qu’en cas de conflit parental sur la pratique du naturisme, il convient de se rappeler les principes suivants :

  • cela va sans dire mais cela va encore mieux en le disant, le naturisme comme la nudité doivent être ABSOLUMENT NON SEXUELS
  • si l’enfant s’y montre hostile, il convient de ne pas l’y forcer
  • un accord vaut toujours mieux qu’une instance judiciaire, car toute pratique pouvant prêter à litige parental risque de dégénérer pour l’enfant en « conflit de loyautés », c’est-à-dire la situation pour lui d’avoir en quelque sorte à « choisir ». Et il s’agit d’une situation pour lui inconfortable et stressante.

 

Annexe : articles du code civil

Article 373-2-10

 

En cas de désaccord, le juge s'efforce de concilier les parties.

A l'effet de faciliter la recherche par les parents d'un exercice consensuel de l'autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder.

Il peut leur enjoindre de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de cette mesure.

 

Article 373-2-11

Lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge prend notamment en considération :

1° La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure ;

2° Les sentiments exprimés par l'enfant mineur dans les conditions prévues à l'article 388-1 ;

3° L'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre ;

4° Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l'âge de l'enfant ;

5° Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l'article 373-2-12 ;

6° Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre.